Ressources numériques en sciences humaines et sociales OpenEdition Nos plateformes OpenEdition Books OpenEdition Journals Hypothèses Calenda Bibliothèques OpenEdition Freemium Suivez-nous

Fast et loi Duplomb

Madame Pattery, le 10 juillet, a ouvert sur le site de l’Assemblée Nationale – qui prévoit cette possibilité – une pétition citoyenne contre la Loi Duplomb.

Chacun sait, en France, que cette Loi, qui a été votée tant à l’Assemblée qu’au Sénat, est une mesure « phare » du spectaculaire retournement de veste de nos gouvernants, sur le sujet sanitaire des productions agricoles en particulier.

La pétition, afin de permettre l’ouverture d’un débat à l’Assemblée nationale, devait accumuler 500.000 signatures. C’était chose faite le samedi 19 juillet, où on avait 350.000 signatures le matin, et plus de 650.000 le soir.

C’est un succès dont je ne connais pas d’autre exemple. Nous sommes dans un paysage moral gris, où « tout le monde » est censé être parti en vacances. C’est la période classique où les gouvernements essaient de faire passer des lois dont on craint qu’elles intéressent les gens. Eh bien voilà.

Il se peut bien sûr que les députés, eux aussi sans doute en vacances, voient d’un mauvais œil ce surgissement inattendu d’un esprit citoyen. Mais tout de même : 650.000 électeurs, comment mépriser l’événement ? Par les temps qui courent, 650.000 électeurs, c’est beaucoup !

Nous connaissons le problème. Les grands syndicats agricoles ont réussi à imposer qu’on annule les mesures prises (en grande pompe et avec grande fierté) pour préserver l’environnement, c’est-à-dire les eaux, les champs, les aliments. Récemment encore (le 14 juillet, fête nationale), 16 communes entre Ardennes et Meuse n’avaient plus accès à l’eau courante contaminée au ‘PFAS’. Le sujet a rapidement disparu des écrans.

Le « recul » gouvernemental écrase bien entendu les efforts des petits producteurs indépendants, au profit des productions industrielles menées à coup de produits contaminants. Le sujet n’est pas absolument nouveau, mais il est de plus en plus menaçant. Pourquoi ?

Parce que les industries de l’agro-alimentaire expliquent, et elles ont raison, que si on leur impose des restrictions sur le territoire national, pourquoi alors importe-t-on en masse depuis l’étranger (comme on le fait pour la fast fashion, curieux néologisme, genre ‘agent de surface’ au lieu de ‘balayeur’) des produits agricoles qui n’ont pas été soumis aux mêmes restrictions ou contrôles ? Si l’on importe des produits sans contrôle, comment croire que, eux, puissent produire de façon compétitive ? L’argument est solide.

Le problème devient alors assez bizarre, comme quand on parle en regardant ailleurs au lieu de regarder son interlocuteur. Car les contrats passés avec les fast-producteurs étrangers (qui ont été négociés, c’est sûr) reposent sur des échanges de bons procédés avec des industries françaises qui en effet participent à la production de la tomate chez les Chinois au Xinjiang ouigour et à celle du tissu bas de gamme au Bangladesh, au Pakistan – sujet dont Annie Ernaux s’est émue avec raison.

Il devient donc difficile de freiner l’importation du fast-machin, puisque plusieurs grands industriels français y sont attelés avec profit. On ne peut donc pas réguler, comme prétend le faire monsieur Trump, ces importations qui cassent les prix chez nous. On ne peut donc pas imposer à l’industrie agro-alimentaire française une régulation injuste. On doit donc bazarder, malgré les discours bon-enfant et le grand show des bons sentiments, la petite entreprise agricole qui se méfie des PFAS.

Conclusion

On doit donc mettre des PFAS dans votre assiette, ou dans votre eau courante. Et si vous protestez, c’est que vous n’avez pas conscience des vrais problèmes.

Mes amis et collègues vont me dire : bon, oui, d’accord, on comprend ton histoire, mais où est l’idée linguistique là-dedans ?

L’idée est dans le concept de « fast ». Dont l’anglicisme montre qu’il est importé. Fast-food, fast-fashion. Et ensuite ?

Dans le journal Le Monde. ‘Fast-food’ en rouge, ‘fast-fashion’ en bleu. 1950-2022.

NOTICES des images. (1) Cette grenouille a été photographiée ce mois ici, dans un endroit qu’il vaut mieux laisser dans l’ombre. (2) Ce Gallicagramme a été produit avec l’outil gallicagram.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
François Jacquesson (19 juillet 2025). Fast et loi Duplomb. Caramel. Consulté le 19 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/14e6x


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.