Ce ‘caramel’ est une sorte de numéro spécial.
La récente réunion animée par Innocent Azilan, avec François Pacaud, et suivie par une centaine de responsables et/ou rédacteurs de carnets sur la plateforme Hypothèses, est aussi l’occasion de concevoir ce caramel-ci autrement.
A la fois sérieux et ludique.
Vous allez trouver ci-dessous quarante visages – non pas des participants à la réunion, mais empruntés à des tableaux du Louvre. Je les rendrai, c’est promis.
Les tableaux sont identifiés à la fin. Mais prenez le temps de regarder d’abord les visages !
Acte 1 : Contraintes
Parfois masqués, comme ici dans la ‘Scène de carnaval’ de Giandomenico Tiepolo, 1755.
Cette opération imposait beaucoup de contraintes. (A) Sont exclus les visages de profil ou vus d’arrière, ce qui nous prive de beaucoup d’exemplaires intéressants. (B) Il fallait que la lumière soit bonne, le tableau accessible, pas trop sombre ; le visage pas trop petit. (C) Seulement les visages : j’ai coupé les coiffes, quand je pouvais le faire sans trop nuire au visage, et en conservant le format rectangulaire. (D) J’ai essayé d’exclure les personnages trop célèbres, mais c’est une notion délicate.
Ce choix du Musée du Louvre ne vise pas à exalter ce Musée. Il existe à Paris et ailleurs en France de nombreux autres grands musées de peinture.
Acte 2. Période plus ancienne : jusque 1500 environ.
Visage 1.
Visage 2.
Visage 3
Visage 4.
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Visage 6.
Visage 7.
Visage 8.
Visage 9.
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Acte 3. Période ‘moderne’
L‘acte 2 viendra après l’acte 3. Une fois n’est pas coutume.
Pour éviter que trop d’entre vous ne reconnaissent leurs aïeux sur les portraits, j’ai arrêté ma revue mondaine en 1830 – ce qui ne nous met certes pas à l’abri des remous !
Visage 31.
Visage 32.
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Visage 37.
Visage 38.
Visage 39.
Visage 40.
Acte 2 (enfin).
Vous en déduisez que l’acte 2 va affronter une période intermédiaire. Je sais bien que, comme pour les glaciations qui ont affecté le pléistocène, il a heureusement existé de nombreuses périodes intermédiaires. Quelle période intermédiaire ? Il s’agit simplement de donner une idée des très nombreux visages qu’on a peints, en Europe occidentale, entre 1500 et 1650. Aucun de ces visages n’est glaciaire.
Vous avez constaté, en parcourant les visages de l’Acte 3, ci-dessus, qu’ils s’approchaient de cette empathie qu’aujourd’hui nous attendons des portraits. Il a souvent été question de portraits et de photographie dans Caramel, et il m’est arrivé d’ironiser (aimablement) sur les gens dont la première idée, devant la Joconde, est de se photographier eux. Il est vrai que sur leur photo (j’ai vérifié) on voit de temps en temps la Joconde aussi.1
*
Le choix des vingt visages qui viennent, entre 1500 et 1650, a été difficile. Il y avait abondance : le portrait est à la mode partout en Europe occidentale, y compris le portrait de groupe où chacun doit être reconnaissable. Le prestige ancien des tableaux pieux ne disparaît pas, mais se diversifie et même se dédouble par l’immense domaine des mythologies grecque et romaine, tandis qu’on est inondé de demandes de la part des grands personnages, et que se déploie l’attention des peintres aux personnages plus petits.
Comme pour les actes précédents, les tableaux sont ordonnés, autant que possible, par ordre chronologique, les plus anciens au début. Mais ici, les diversités régionales importantes, les rivalités aussi, produisent un certain nombre de nœuds dans le fil supposé de la chronologie.
Visage 11
Visage 12.
Visage 13.
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Visage 28.
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Visage 30.
Acte 5. Les auteurs des visages.
Les “réponses” ne viennent qu’à la fin, surtout pour vous laisser regarder ces visages en paix, pour que vous vous fassiez vos réflexions tranquilles. Les visages choisis ne sont pas toujours ceux des personnages principaux.
Visages 1 et 2. Barnaba da Modena, vers 1370-75. La Vierge Marie et l’enfant Jésus. R.F. 1968-4.
Visage 3. Giovanni da Modena, vers 1420-25. La Vierge Marie et l’enfant Jésus. R.F. 1983-45.
Visage 4. Joan Reixach (attr.), vers 1450. Vierge en buste et (au verso) Sainte face. RFML. PE.2020.17.1.
Visage 5. Enguerrand Quarton, vers 1455. Pietà de Villeneuve lès Avignon. R.F. 1569.
Visage 6. Anonyme, 1450-70. L’Homme au verre de vin. R.F. 1585.
Visage 7. Nicolas Froment, vers 1475-80. Diptyque des Matheron. R.F. 665.
Visage 8. Albercht D¨rer, 1493. Autoportrait au chardon. R.F. 2382.
Visage 9. Jean Hey, dit le Maître de Moulin, 1494. Portrait du dauphin Charles Orland (1492-95), fils de Charles VIII. R.F. 1942-28.
Visage 10. Mantegna, 1496. Vierge de la Victoire. INV 369.
Visage 11. Titien, 1500-25. L’Homme au gant. INV 757.
Visage 12. Maître de Saint-Barthélemy, actif 1480-1510. Descente de croix. INV 1445.
Visage 13. Maître de la Vierge aux balances, vers 1510. La Vierge aux balances. INV 785.
Visage 14. Raphaël, 1514-15. Balthazar Castiglione. INV 611.
Visage 15. Jan Gossaert dit Mabuse, 1517. Diptyque de Jean Carondelet. INV 1442-1443.
Visage 16. Corrège, 1517-20. Portrait de jeune homme. INV 613.
Visage 17. Lorenzo Lotto, 1526. Le Portement de croix. R.F. 1982-50.
Visage 18. Jan Cornelisz Vermeyen, 1525-30. Saint Jérôme en méditation. R.F. 2003-8.
Visage 19. Lucas Cranach l’Ancien, 1531. Les Trois Grâces. R.F. 2011-1.
Visage 20. Lucas Cranach l’Ancien, 1531. Jean-Frédéric le Magnanime, prince héritier de Saxe. INV 1184.
Visage 21. Ludger tom Ring dit l’Ancien, vers 1538. La Sibylle de Delphes. R.F. 2283.
Visage 22. Lambert Sustris, 1548-52. Mars, Vénus et leur fils Cupidon. INV 1978.
Visage 23. Antonis Mor ou Antonio Moro, 1565. L’Homme désignant une horloge de table. INV 1582.
Visage 24. Joachim Beuckelaer, 1566. Intérieur de cuisine. R.F. 2659.
Visage 25. El Greco, 1585-90. Saint Louis roi de France et un page. R.F. 1507.
Visage 26. Caravage, 1595-98. La Diseuse de bonne aventure. INV 55.
Visage 27. Bartolomeo Schedone, 1610-12. La sainte Famille. INV 661.
Visage 28. Rubens, 1622-25. Cycle de Marie de Médicis, 2 : l’Instruction de la reine. INV 1771.
Visage 29. Jusepe de Ribera, 1642. Saint Paul ermite. R.F. 125.
Visage 30. Bartolome Esteban Murillo, 1645-50. Le Jeune mendiant. INV 933.
Visage 31. Jean-Marc Nattier, 1745. La Duchesse de Chaulnes en Hébé. R.F. 1942-32.
Visage 32. Gaspare Traversi, 1754. La Séance de portrait. R.F. 1990-1.
Visage 33. Pompeo Batoni, 1761-62. Charles John Crowle. R.F. 1981-37.
Visage 34. Joshua Reynolds, 1789. Master Hare, dit aussi Infancy. R.F. 1580.
Visage 35. Giovanni Battista Lampi, vers 1789-90. Le comte Stanislas Félix Potocki et ses deux fils. R.F. 1980-49.
Visage 36. Jacques-Louis Davis, 1795. Portrait de Pierre Sériziat. R.F. 1281.
Visage 37. Jacques-Louis David, 1798-99. Portrait de madame Raymond de Verninac, sœur d’Eugène Delacroix. R.F. 1942-16.
Visage 38. Ingres, 1806. Portrait de Caroline Rivière. M.I. 1447.
Visage 39. Ingres, 1814. La Grande odalisque. R.F. 1158.
Visage 40. Delacroix, 1824. Scènes des massacres de Scio. INV 3823.
Conclusion
Si vous voulez jouer (à condition de ne pas aller voir les tableaux entiers), vous pouvez ‘poster’ un commentaire à ce billet en indiquant, anonymement ou non, vos cinq visages préférés ! Il suffit de donner les cinq numéros, en indiquant si l’ordre dans lequel vous les donnez est significatif ou non.
NOTICE sur les images. Toutes les photos ont été prises soit en août soit en octobre 2024. La première image, l’œil. Il s’agit d’un détail du portrait de Giangiorgio Trissino, vers 1525-27, par Vicenzo Catena. Au Louvre, R.F. 2098. La dernière image est un détail (la musique, bien sûr) de Frans II Franken (pour les personnages) et Abraham Govaerts (pour le paysage), vers 1620, Les Cinq sens. M.N.R. 419 : oeuvre en attente de restitution, récupérée après les pillages de la IIe Guerre mondiale.
- Voir le caramel ‘La Joconde et son ombre‘. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
François Jacquesson (8 octobre 2024). Quarante visages. Caramel. Consulté le 11 décembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12fo7
Ayant noté la présence de 2 commentaires, avant de les lire, je livre mon classement :
n°1 – le 32 – Ma préférence va à ce beau visage ridé, à ce sourire et … à cette épaule dénudée.
n°2 – le 11 – Un tout jeune homme plein de charme : cheveux bruns, barbe naissante et regard bleu tourné vers l’avenir.
n°3 – le 24 – Des yeux bleus, encore, empreints de réserve, de modestie. Une jeune fille trop obéissante ?
n°4 – Je reconnais que le charme de cette jeune fille un peu mélancolique et coquette tient pour moi à son air penché et surtout à son chapeau rouge !
n°5 – le le 3 – Un visage plein d’ambiguïté : qui est cet enfant (adolescent?) qui nous fixe avec insistance ?
Deux visages me déplaisent : ceux des tableaux 21, 7 et 6.
Le Top 5 de Hélène:
6. Un homme perdu dans ses pensées. Un visage plutôt laid en fait. De très belles paupières tombantes mais pas de cils. Sans aucun doute pour moi : un visage “qui a de la gueule !”
32. Une très vieille comme on en fait plus beaucoup dans nos contrées. Encore une histoire de plis. Peut-être le visage de ma grand-mère dans les dernières années.
38. Comment ne pas craquer devant les courbes de ce Ingres(promis je n’ai pas regardé la légende avant)
3. Un regard en coin peu courant dans cette liste : sournois ? méfiant ? curieux ?
5. Toute la misère du monde contenu dans ces yeux baissés. D’accord je connais le tableau mais ce détail n’est pas un détail.
Mon Top nul est le 21. J’ai vu ensuite qu’il s’agissait d’une sibylle. C’est assez horrible une sibylle alors ?
Maitenant je vais regarder les choix de ma voisine du dessus. Le jeu continue.
Hélène
Quarante visages, non pas comme les quarante voleurs, mais comme quarante cadeaux. Merci François. C’est là un bien beau défilé, une bien belle galerie de portraits ; mais arrivée à la fin, j’avais presque oublié le premier visage.
« J’ai essayé, nous dites-vous, d’exclure les personnages trop célèbres, mais c’est une notion délicate » : ô combien en effet ! qui se risquerait à douter de la notoriété de Marie et son fils !!
Pour pouvoir répondre à votre question (mes cinq visages préférés), j’ai ressenti l’impérieux besoin de classer ces portraits. Vous-même les avez classés par l’époque à laquelle ils ont été peints.
Ainsi peut-on classer ces visages selon d’autres critères :
• selon le sexe : féminin 17 ; masculin 23.
• selon l’âge : bébés et enfants 7 ; adultes (plus ou moins jeune) 30 ; vieillards 3.
• selon qu’il nous regarde : 17 ; ou qu’il regarde ailleurs 23.
• selon l’humeur qu’il dégage : plus ou moins enjouée (heureuse peut-être) 9 ; triste 4 ; grave, sérieuse 27.
• selon une caractéristique physique : avec cils 17 ; sans cils 23.
yeux clairs 5 ; yeux sombres 35.
hommes imberbes 8 ; hommes barbus 8.
Et puis bien sûr, je n’ai eu nulle envie de ne pas tricher, de ne pas élargir le champ, de ne pas aller voir ce que vous nous cachiez autour, derrière, au-dessus, au-dessous de ce visage, et ainsi pouvoir continuer à classer :
• selon l’époque de la scène : antiquité 16 ; siècles passés 3 ; contemporain 21 ;
• selon le degré de vraisemblance du portrait : vrai (d’après nature) 21 ; imaginé (truchement d’un modèle) 19.
• selon le genre : sacré 14 ; mythologique 4 ; profane 22.
Je suis bien tranquille qu’il y aurait encore bien d’autres façons de classer ces portraits.
Alors maintenant, en respectant vos critères, voici mon Top 5, mes visages préférés, par ordre décroissant :
1. Visage 24 (la jeune femme dans la cuisine), parce qu’il est craquant de naturel,
2. Visage 19 (une des trois Grâces), pour son petit air mutin,
3. Visage 11 (l’homme au gant), déjà homme ou encore ado ?
4. Visage 32 (séance de portrait), pour ses belles rides joviales,
5. Visage 30 (le petit mendiant), parce qu’il a mieux à faire que de regarder le peintre.
Et en prime, les cinq visages qui me dépriment, par ordre croissant :
36. Visage 29 (Saint Paul), comme si tous les vieillards étaient saints,
37. Visage 18 (Saint Jérôme), pour la même raison,
38. Visage 20 (Jean-Frédéric le Magnanime), parce qu’il n’honore pas son surnom,
39. Visage 21 (La Sybille), parce que je me fais une plus belle idée des Sybille,
40. Visage 25 (Saint Louis), en raison de son incommensurable laideur travaillée.
Et vous, François, nous délivrerez-vous votre Top 5 ?